Ile Sainte Marie Madagascar

Ile Sainte-Marie : la légende de Nosy Boraha – Madagascar

Ile Sainte Marie Madagascar

DE NOSY-BORAHA A LA REINE BETIA,
OU QUAND LA LEGENDE REFAIT L’HISTOIRE

La légende et l’histoire, à l’image de la reine Betia et de son aventurier de compagnon, La Bigorne, ont trouvé à l’île Sainte Marie, une terre où plonger leurs racines! Trouver ensuite le fil de la vérité de ces entrelacs, relève d’un exercice académique au style souvent hasardeux, face aux incertitudes dont on ne retiendra que le charme…

La tradition tient à restituer à Sainte-Marie son vrai nom Nosy Boraha. L’histoire veut de son côté lui attrNosy Boraha ibuer son appellation actuelle, qu’elle doit aux missionnaires, affirment les uns, aux navigateurs portugais du XVIè siècle, soutiennent les autres. Chercheurs, historiens, académiciens, se perdent en conjectures sur cette île sortie de l’océan, à une quarantaine de kilomètres de la Grande Terre, étalant son sol granitique et cristallin sur une longueur d’un soixantaine de kilomètres et une largeur dix fois moindre.

Certaines traditions affirment que les premiers habitants seraient des juifs, de la descendance d’Abraham. Une chronique de Flacourt atteste cette thèse. Il écrit notamment: « Ceux que j’estime être venus les premiers à Madagascar, ce sont les Zafin’Ibrahim ou gens de la lignée d’Abraham, qui habitent l’île Sainte-Marie et les terres voisines. Ils célèbrent et chôment le samedi, non le vendredi comme les Maures, et n’ont aucun nom semblable à ceux que portent ces derniers, ce qui me fait croire que leurs ancêtres sont passés en cette île dès les premières transmigrations des Juifs, ou qu’ils sont descendus des plus anciennes familles des Ismaélites dès avant la captivité de Babylone ou de ceux qui pouvaient être restés dans l’Egypte avant la sortie des enfants d’Israël. »

DES DESCENDANTS DE JUIFS DU YEMEN

L’île est menrizieretionnée sous le nom de Nosy-Hibrahim, sur certaines cartes très anciennes. Ainsi, il est historiquement établi que dès la plus haute antiquité, des Juifs du Yemen ont fréquenté la côte orientale d’Afrique, les Comores et le Nord de Madagascar, mais si leurs descendants se sont mêlés aux populations malgaches, il ne subsiste plus rien aujourd’hui des quelques coutumes ou traditions judaïques anciennes.

Le nom de Nosy Boraha, l’île le doit aux Malgaches eux-mêmes. Selon la légende, Boraha était un homme qui, voguant en pirogue, a vu sa frêle embarcation entraînée au loin par une baleine. Miraculeusement, elle fut ramenée vers l’île par un dauphin. Serait-ce là, une réminiscence hébraïque rappelant l’histoire de Jonas et la baleine? La légende présente en tout cas, bien des similitudes avec le récit biblique. On sait, par ailleurs, que des navigateurs occidentaux touchèrent l’île Sainte-Marie vers la fin du XVè siècle. Ce fut le cas de l’Amiral Cornelis dont la flotte y jeta l’ancre en Janvier 1596. On doit au chroniqueur De Constantin, la description suivante de l’île et de ses habitants: « Les hommes avaient quatre longues javelines garnies de pointes d’argent. Les femmes étaient vêtues de toile rayée de petites barres dont elles avaient un corps de jupe et une robe qui leur descendait au milieu du gras de la jambe. Les hommes n’avaient qu’un vêtement fort adroitement tissé de quelques herbes (rabane) de diverses couleurs. Ils portaient chacun un roseau avec de l’eau salée. C’étaient de grands hommes, puissants, tels que sont communément tous ceux de cette île. Ils ont de grand boucliers de bois dont ils se Leurs armes sont des petites javelines d’un bois très dur de la longueur de douze ou treize pieds, mais pas de plus d’un pouce d’épaisseur. couvrent tout entier lorsqu’ils se baissent, en sorte qu’on ne peut voir qu’une partie de leurs pieds. L’île a de longueur du nord au sud environ un degré. Le paysage est agréable. Elle est remplie de grands arbres très beaux et très verts. Le terrain est fort haut, mais en naviguant le long de la côte, on vit qu’elle était séparée en deux îles… »baleine

On est débiteur des marins hollandais du récit d’une chasse à la baleine par les Saint-Mariens, en 1598: « Montés dans leurs pirogues, ils allaient là où apparaissait une baleine et, s’approchant tout près, ils lui lançaient un hameçon de fer attaché à une corde faite de fibres d’écorce d’arbre, puis ils l’irritaient et la fatiguaient, en imprimant à cette corde des secousses violentes et fréquentes; la bête se débattait avec rigueur et faisait bouillonner la mer; les indigènes, cédant à ses mouvements, lui rendaient de la corde dont l’autre bout était fortement fixé à la pirogue.

Lorsque la baleine très affaiblie, flottait à la surface de l’eau qui était teintée de son sang, les pêcheurs l’emmenaient facilement où ils voulaient. Ils la partageaient en morceaux dont chacun emportait ce qu’il pouvait. »

La France doit-elle Sainte-Marie à la Princesse Betia, fille du roi Ratsimilaho ou au caporal Jean-Onésime Filet, alias La Bigorne? Une légende fort têtue veut qu’éprise de l’ancien soldat La Bigorne, la princesse Betia qui reçut l’île en héritage à la mort de son père, la rattacha à la Couronne française afin de se placer sous la protection de la France. Cette légende prête à La Bigorne suffisamment d’influence sur sa princesse d’épouse, pour donner crédit à cette thèse que l’on ne retient plus aujourd’hui que pour son charme anecdotique!

La vérité hiruinestorique rétablie, affirme que le gouverneur de l’Ile de France avait envoyé Gosse, agent de la Compagnie, reprendre possession de Sainte-Marie. Betia accepta de céder la souveraineté de l’île au roi de France par un acte officiel signé le 30 Juillet 1750. Gosse, entraîné par la cupidité, profana le tombeau de Ratsimilaho pour le piller avec l’aide de quelques colons. Ils furent massacrés par les habitants de l’île en 1754. Son successeur, De Valgny, trouva grâce aux yeux de la population et sut reconquérir sa confiance.

C’est à ce moment que Betia épousa Louis-Onésime Filet, dit La Bigorne, un gai luron ambitieux et prétentieux, qui laissa à la postérité sa propre version de l’Histoire ? Joyeux drille doublé d’un habile commerçant, La Bigorne, plus prosaïquement, dirigeait les comptoirs de la Compagnie des Indes de 1758 à 1762 à Foulpointe et ses environs, avant de s’éteindre vers 1773, certainement satisfait d’avoir laissé derrière lui, la plus belle farce qu’il pouvait faire à l’Histoire !

Mais c’est Sylvain Roux qui fit de Sainte-Marie une possession française, lorsqu’il y prit pied le 15 Octobre 1818, pour implanter le pavillon national. A l’instar de la garnison et des premiers colons arrivés avec Pronis en 1643, cette équipée dirigée par Sylvain Roux fut décimée par la fièvre ! Voici comment le lieutenant de vaisseau Frappaz décrivit le spectacle de désolation qu’offrait la petite colonie en Novembre 1821: « Chaque jour voyait expirer plusieurs personnes, et les infortunés qui conservaient une vie languissante n’avaient plus d’autre perspective que d’aller bientôt rejoindre les cadavres qu’ils voyaient continuellement enlever. L’espérance avait fui de ce séjour de désolation; et pour mettre le comble à l’horreur de cette situation désastreuse, les médecins étaient malades; les médicaments préparés par des mains inhabiles, étaient trop souvent donnés au hasard; après ce funeste hphareivernage il ne resta que quelques personnes tout à fait démoralisées, et que le ciel semble avoir conservées pour attester toutes les circonstances de cette déplorable époque. »

Sylvain Roux fut congédié par le gouvernement français pour avoir estimé avec légèreté l’ingratitude du climat. Il fut aussi accablé de l’échec de cette mission. Victime à son tour de la fièvre, il mourut le 2 Avril 1823, sans avoir eu le temps d’apprendre la notification de sa révocation.
De Nosy Boraha à l’île Sainte-Marie, d’Hibrahim à la princesse Betia, de la Bigorne à Sylvain Roux, l’histoire de l’île aux Femmes, marie avec bonheur la légende et la réalité !

Au plus fort de la rapine, les pirates trouvèrent à Sainte-Marie comme un havre de paix ! Fatigués de la flibuste et de la grande piraterie, bon nombre d’entre eux choisirent de rester dans l’île pour y prendre femme et fonder un foyer.

Aujourd’hui encore, on peut trouver à l’île aux forbans, au milieu de la baie, un cimetière des pirates avec des pierres tombales abandonnées aux herbes folles. On les reconnaît à la fameuse tête de mort et les tibias croisés, figure emblématique qui ornait le pavillon des pirates au fil des siècles sur toutes les mers du monde. Venus des quatre vents, ils ont pour noms David William, Thomas Tew, Nathaniel North, Englend, Taylor, La Buse, Plantain et bien d’autres tristes célébrités !

Quant à l’îlot Madame, il trône à l’entrée de la baie de Port Louis. Si les pirates n’y ont pas laissé des traces, par contre, l’îlot retient l’attention par le charme vieillot des bâtisses du siècle dernier, dont l’ancienne Résidence du gouverneur détruite par un incendie en 1991. L’île aux nattes complète ce chapelet d’îlotscimetiere, tous revêtus d’une couverture végétale luxuriante dont l’tombeépaisse verdure et le lourd parfum des tropiques en font un coin paradisiaque irrésistible. Mais Sainte-Marie n’a pas été que l’île des pirates ! Mieux, elle peut s’honorer d’accueillir en son sein, à Ambodifotatra, la plus ancienne église de Madagascar ! Construite en 1859 à un emplacement choisi en 1847 par Mgr Dalmond premier évèque de Madagascar, l’église est fière de son autel offert par la Princesse Eugénie. Les panneaux de fonte qui le constituent, ont été coulés dans les arsenaux de la marine française.

Au loin, on peut distinguer la Grande Terre, estompée par la distance. Une quarantaine de kilomètres que bien des Saint-Mariens ont traversés, laissant derrière eux une île trop recroquevillée sur son passé, pour leur offrir un avenir…

 

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Noro Razafimandimby

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